Avoir foi en nos enfants (Épilogue)
Aucune aventure éducative n’évite la foi. Reste à choisir ce en quoi l’on croit : en l’enfance, en l’enfant, en son indéfectible enthousiasme, en sa curiosité, son appétit du monde et son sens aigu de la liberté et de la justice. Ou plutôt croire en l’institution pour socialiser, agencer, organiser, contraindre, normer… Si plusieurs voient l’institutionnalisation de l’éducation comme un bienfait, personne ne peut douter de l’appauvrissement et des restrictions qu’elle représente au regard d’une éducation libre ouverte sur le monde, dans toute la diversité des environnements de la vie au-delà des murs de la classe.
Croire donc que les processus naturels de l’apprentissage doivent être encadrés sous la contrainte reste pour moi une curiosité pédagogique. Comme la spiritualité n’a pas besoin d’être normée pour être intensément vécue et ressentie. Je comprends toutefois que quelqu’un puisse trouver commode de se référer, de choisir une spiritualité culturellement, socialement organisée. Mais les apprentissages naturels doivent-ils faire l’objet d’une telle mise sous tutelle? Le religieux a fait le choix de croire mais il reste généralement tout à fait conscient que d’autres puissent être heureux en ayant choisis d’autres façons de vivre. Ceux qui ne comprendraient pas cela ne seraient-ils pas, à juste titre, qualifiés d’intégriste? Mais le croyant scolaire a bien souvent du mal à concevoir l’idée d’une éducation sans école, et encore moins sans cours, cahiers ou contraintes. Tous les « hérétiques » de l’éducation ont fait l’expérience de cette inquisition de l’inspecteur, du parent voire du voisin incapable d’envisager autre chose que les limites de sa croyance. Combien de dénonciations aux services sociaux, combien de tribunaux, de mise de force à l’école, de suspicion, de harcèlement allant jusqu’au retrait des enfants de leurs famille pour « négligence éducative » parce qu’il n’y avait pas le bon cahier, la bonne méthode dans le salon.
Bien sûr le bon croyant, fier de ses enfants, bons élèves, respectant les consignes, les calendriers et les évaluations de l’école ne comprend jamais pourquoi l’hérétique se cache, lutte, se révolte. Le bon élève ne comprend pas plus que le riche pourquoi le pauvre se plaint. Il taxera sans rougir les éducations libres d’intolérances, de sectarisme, d’intégrisme, ne voyant rien à redire au rouleau compresseur de sa propre normalité. Ainsi les rôles sont inversés et celui qui réclamait tolérance, compréhension et liberté au nom de ses choix éducatifs marginaux se voit taxer du manque d’ouverture d’esprit par ceux qui ne font que suivre les autoroutes de la bienpensante normalité. L’hérétique est accusé de sectarisme par le juge du tribunal d’inquisition tout à son bon droit, agissant au nom de Dieu. Le discriminateur ne comprend jamais tout à fait pourquoi le discriminé s’énerve et il se permettra toujours de lui faire la leçon en lui expliquant qu’il devrait dire les choses calmement, que sa colère nuit à son message… Aucun bien installé ne peut imaginer le nombre de fois où leur chorale fait la leçon de la bonne société.
Faire confiance à son enfant au-delà de l’institution est donc un choix marginal, périlleux, difficile. Et pourtant, chacun envie ceux qui ont gardé leur âme d’enfant, ceux qui poursuivent leur rêves, ceux qui comme un enfant font confiance et rient à cœur joie. Mais les enfants doivent être éduqués malgré eux, contenus, spécialisés… C’est une grande tristesse de voir un à un s’éteindre les rires d’enfants au nom de la norme des adultes stressés et souvent dépressifs, engoncés dans leurs horaires, leurs dettes, leurs hiérarchies. Je ne peux ici qu’appeler à tous vivre comme des enfants insouciants, comme des hérétiques, des forbans, des pirates!
Ouiiiiii! Merci pour ces belles paroles de fin, et pour tout ce travail pertinent et tellement (à mon sens) juste. Il est parfois difficile de voir que suivre quelque chose de considéré comme étant normal est, cela aussi, un choix.
Souvent, les personnes se sentent agressées par d’autres choix car ils représentent, selon leur ressenti, une remise en question de leur choix, leur éducation, leur façon de se nourrir, de voir le monde… alors que bien souvent (certes pas toujours), c’est simplement un chemin différent. Un chemin qui nous semble juste et nous met en joie ou qui est tout simplement nécessaire voir vital, que l’on explique bien volontiers.
Toujours cette dichotomie… pas simple de faire chacun nos chemins et de nous croiser, faire un bout de chemin ensemble ou pas, sans se faire des croches-pattes.