Mes enfants ont 8 et 11 ans. Ils ne sont jamais allés à l’école. Ils parcourent la vie au grès de leurs intérêts et de leurs besoins. Le plus vieux lit énormément, il est passionné de BD et, de salons du livre en festival de BD en passant par l’animation de chroniques de radio sur le sujet, il possède une véritable expertise. Il écrit plus difficilement. Le plus jeune est un bon dessinateur, il écrit un peu mais lit difficilement. Et oui quand on laisse son enfant suivre son chemin, les logiques acquises peuvent s’inverser. Ils ont voyagé à travers le monde, en mule, en dromadaire, en voilier, en camping-car dans plusieurs pays, visités plus de trente sites classés au patrimoine de l’humanité de l’Unesco. Ils se lèvent et apprennent à leur rythme, ils ont participé à des festivals de voyageurs, inventé des jeux de société, organisé des évènements… Ils jouent aux échecs, au go, font deux heures de sport par jour… Mais plus qu’un long parcours pour leur âge, ils sont avant tout heureux.
Nous sommes des parents séparés depuis trois ans, et leur mère a multiplié les démarches juridiques pour que les enfants aillent à l’école contre leur volonté. Un premier jugement avait validé la poursuite d’une éducation sans école, une enquête psycho-sociale ordonnée par le tribunal, longue de plusieurs mois auprès des parents, des enfants, des intervenants qui côtoient les garçons depuis plusieurs années avait recommandé la poursuite d’une éducation sans école. Dernièrement une juge, au mépris de tous ces arguments et surtout de la volonté des enfants a ordonné qu’ils aillent à l’école en septembre prochain!
Son jugement est basé sur une sélection partiale des faits. Je dirai que nous n’avons pas été jugés, mais préjugés! Le jugement s’appuie sur de supposés retards académiques des enfants alors que les garçons n’ont fait l’objet d’aucune évaluation formelle. Et même, depuis quand exige-t-on une obligation de résultat en éducation? Cette obligation s’applique-t-elle également aux écoles? Le jugement s’appuie aussi sur ma réticence à inscrire dès le début les enfants à la commission scolaire ou à leur faire passer un examen standardisé alors même qu’aucune loi ne l’exigeait, en somme de ne pas avoir respecté des lois qui n’existent pas. La juge écrit que si les enfants allaient à l’école cela me permettrait de trouver un emploi, comme si c’était mon mode de vie qu’il s’agissait de juger.
Les enfants continuent à dire qu’ils ne souhaitent pas aller à l’école. Quel individu peut être condamné à ce que la loi n’exige pas? Qui peut être enfermé contre son gré s’il n’a pas été reconnu coupable de quelque crime? Je m’interroge sur ce qu’il convient d’appeler la domination adulte. Combien de temps encore la société considèrera les enfants comme inaptes à savoir ce qui est bon pour eux? Est-ce si transgressif que cela de demander à des enfants ce qu’ils souhaitent pour être heureux? Certains adultes présument que l’école les rendra heureux plus tard. Mais qui connait l’avenir, qui peut dire dans quel monde ces enfants vivront en 2030, 2050…? Quels adultes des années 70 avaient vu arriver la révolution informatique qui domine le monde aujourd’hui et qui a généré des centaines de milliers d’emploi à la fin des années 80?
Cette juge a donc décidé d’enfermer aujourd’hui les enfants contre leur gré avec la vague promesse d’un avenir radieux. Sacré pari! Le taux de décrochage des garçons est extrêmement élevé chez les garçons au Québec. Le système scolaire a produit une population de 53% d’illettrés fonctionnels (2016) en augmentation de 10% sur les chiffres de 2003. Les enseignants se plaignent du manque de moyens, des établissements ferment pour insalubrité… Mais la foi scolaire demeure intacte! L’école doit être pour tous à défaut d’être pour chacun.
L’inventivité éducative, la créativité pour se confectionner un monde à la mesure de ses moyens, de ses talents, de sa vision du monde n’a que peu de poids. Les enfants doivent comprendre, et le plus tôt possible, que dans la vie on n’a pas le choix, on est heureux seulement si on fait des études, si on a un travail salarié, si on consomme, si on se stresse dans le fourmillement de la vie urbaine…
Je conçois qu’un tribunal n’est pas le meilleur endroit pour parler d’inventivité socio-éducative, de bonheur, de respect des rythmes, d’intérêts des enfants. Un tribunal doit s’assurer que la société file droit, sans qu’une tête dépasse du rang. Je conçois que pour devenir juge il faut avoir été une excellente élève, bien conforme à toutes les exigences scolaires. Je conçois qu’on ne peut pas donner ce que l’on n’a pas. Comment octroyer à d’autres la liberté que l’on ne nous a pas donné enfant, que l’on ne s’accorde pas en tant qu’adulte, que l’on n’accorde pas à ses propres enfants… cette liberté qu’une juge ne semble pas s’autoriser, comment pourrait-elle l’offrir à mes enfants?
Comment pouvez-vous dicter à un enfant son envie de participer au monde, comment pouvez-vous le libérer en lui imposant l’enfermement, comment favoriser autonomie et responsabilisation en imposant la rigidité du temps et de l’espace ? Toutes vos réponses compliquées à ces simples questions me paraissent étranges. Et aussi, si vous voulez vivre dans une société basée sur le consentement, comment allez-vous y parvenir en ordonnant la réclusion forcée dans un établissement scolaire ?
Voilà donc mon histoire, voilà ce pour quoi je me bats, ce pour quoi je trouve utile que l’on sache qu’aujourd’hui encore les enfants, comme en leur temps les femmes, les noirs, les autochtones, ne sont pas considérés comme s’appartenant à eux-mêmes. Il est temps que les temps changent, que les adultes apprennent à écouter les enfants. Est-ce trop demander?
En France même combat. Je suis une mère divorcée et leur père a demandé qu’ils aillent à l’école.
L’avocat de monsieur m’a dit en face « Vous voulez rester avec vos enfants pour ne pas aller travailler ».
Ils ont intégré le collège l’an dernier et sont au milieu de leur 2ème année scolaire de toute leur vie.
Je n’ai pas non plus abdiqué mes façons de penser, et je les accompagne sur ce chemin fastidieux de l’école (pff : se lever à 7h c’est une plaie ! personne n’est du matin chez nous.)
Cela pour dire que notre petite expérience pourra peut-être vous être utile. Une fois le sentiment d’injustice et la colère et l’intégration des règles scolaires effectuées…
Bon courage !
PS : on s’est rencontrés à Emmaüs Lescar il y a 2 ou 3 ans.
Je découvre ceci avec tristesse. Toute ma sympathie va vers tes fils et toi. Vu de France, le Canada, et spécifiquement le Québec, sont vus comme des paradis éducatifs par la qualité me de la recherche et des publications.
Manifestement, le quotidien c’est autre chose.
Par contre ici comme chez toi, la mesquinerie et le revanchisme de certains parents séparés fait des dégâts. Les enfants ne sont plus sujet de joie mais objets de pression et de règlement de comptes. Nous le voyons avec certains de nos jeunes soumis à ce chantage.
Bon courage, je sais que vous allez vous battre. Dis nous comment nous pouvons t’aider.
Amitié
Frédéric
Nous sommes parents unschoolers et avons échangé avec toi lors de la » journée pour changer l’ecole », a l’école démocratique de Paris. Nous t’envoyons plein d’ondes positives et de pensées pour toi et les enfants. En France ça ne sent pas bon non plus pour l’instruction en famille ……
WOW
Merci
NAMASTÉ
J’aurais bien aimé savoir la motivation de la maman dans cet affaire… Si c’est pas diffamatoire…
Les petits muffins! Bravo car vous êtes hors du moule, battez vous !
et cette madame qui vous fout des bâtons dans les roues probablement par jalousie car elle a été moulée grrrr. Mon fils est autiste, je suis malheureusement obligé d’attendre sa majorité pour le sortir de cette école qui offre un model très limité pour ses capacités mais sa mère… Bref, ce que les vôtres on acquis, ils le garderont c’est l’essentiel
Courage, je suis de tout coeur avec toi, avec vous. Injustice justice… Quel chemin difficile qu’est le maintien de nos libertés, et encore plus celle de nos enfants.
Pour eux, une lutte permanente…
Que la force soit avec vous
Comme je te comprends…. je vis un peu la meme chose…
Courage, la decision n est pas sans appel.
Les garcons vont porter plainte ? C est contre leur liberté individuelle !
Je suis touchée par ce que tu écris… Je suis touchée chaque fois que je lis qu’un parents et sommé de remettre son enfant à l’école alors que cela n’est pas son choix, alors que l’instruction donnée, qui plus est si elle est libre et tournée vers les apprentissages autonome, est attaquée, bafouée, et ce bien souvent à l’encontre de la loi. C’es d’une violence inouïe, et c’est juste pour combler la peur de ceux qui pensent détenir la vérité. Je suis a tes cotés dans ta bataille, dans la reconnaissance de la voix des enfants, de leur droit à être respectés.
Nous sommes Eric Maya Lhamo Linh et moi de tout coeur avec toi Thierry et nous vous envoyons à Elkyem Lylhem et toi plein de pensées positives en espérant qu’ un revirement de situation adviendra 🙂 Il ne faut pas baisser les bras mais continuer à garder le cap vers votre liberté et votre bonheur.
Amitié.
Julie.
Je suis à tes côtés et je me bas aussi à ma façon pour que les enfants soit considérés comme des êtres qui ont le droit de choisir et de vivre pleinement leur vie .
Le jugement est sans appel ?