En sciences de l’éducation, il est un modèle tenace que les habitués nomment SOMA. Au départ une situation éducative serait caractérisée par la présence d’un Sujet apprenant (l’enfant), d’un Objet à apprendre (connaissance, matière…), dans un Milieu (environnement éducatif) par l’intervention d’un Agent (le plus souvent l’enseignant, l’éducateur, le parent…). Certains chercheurs font fi de l’importance du Milieu et ne retiennent que le triangle Agent Objet Sujet. Plusieurs ont adapté, nuancé, critiqué, élargi, complexifié ce modèle de la situation éducative, mais l’imagination des chercheurs a des limites. La plupart du temps, ils sont incapables d’imaginer l’absence d’Agent enseignant. Pour le dire simplement, beaucoup de professeurs éprouvent le plus grand mal à conceptualiser un modèle éducatif duquel ils seraient tout bonnement absents! Que l’apprentissage puisse se passer d’un enseignement est improbable pour la plupart de ceux dont le métier est d’organiser l’apprentissage des élèves. Leur métier ne peut les conduire à vérifier par l’expérience que les enfants peuvent apprendre tout seul puisque précisément on leur demande de ne pas laisser les enfants apprendre seul mais au contraire d’organiser les situations éducatives. Au bout de quelques temps cette idée se minéralise dans l’esprit du corps enseignant, et l’éducation sans école et sans enseignement apparaît comme farfelue. « L’école nous apprend que c’est à l’école qu’on apprend » disait Ivan Illich. J’encourage donc le monde des sciences de l’éducation à penser à ces situations de voyage où mille et un apprentissages se font sans que pour autant des situations pédagogiques soient planifiées. Et s’il doute encore que les apprentissages soient naturels, qu’il essaie demain de passer une journée sans rien apprendre!