Lylhèm a mené sa première campagne Donjons et Dragons comme maître de jeu. Après avoir inventé des dizaines d’histoires, bâti nombre de scénarios pour faire vivre Playmobils, Légos, jeux de rôle grandeur nature… et même après avoir inventé un monde complet où j’ai amené les enfants vivre des péripéties pendant 6 saisons, j’ai été assez ému de voir mon grand fils se lancer dans la quête à la tête de notre petite armée de gnome, nain et autres créatures imaginaires.
La roue du temps passe et les choses prennent leur place. Je m’efface pour leur laisser toujours plus de d’initiatives, de décisions. Ainsi va le rôle des parents, être là encore mais plus discret, toujours vigilant mais plus que jamais soucieux de laisser éclore liberté et compétence. C’était un beau moment à vivre.
En cette semaine de prérentrée scolaire, je m’interroge sur un phénomène que je rencontre fréquemment dans mes conférences. Il y a toujours quelqu’un pour me signaler que lui, aimait l’école, qu’il l’a très bien vécue et qu’il y était heureux.
Je m’interroge alors. Puisque de toute évidence et je reprends ici une liste que j’ai maintes fois énumérée, puisque de toute évidence donc tu n’avais pas choisi d’aller à l’école, ni ton école, ni le calendrier scolaire, ni les horaires, ni ta place, ni ta classe, ton programme, ton professeur, tes condisciples, le programme, le système d’évaluation… Qu’est-ce donc qui te rendait si heureux dans aussi peu de choix?
De plus, parmi les principaux intérêts spontanés des enfants, ces moments qui les rendent joyeux, vibrants, créatifs tels que jouer, courir, grimper, cuisiner, crier, chanter, danser, dessiner, se déguiser, construire… pour ne citer que ceux-là, aucun ne t’était laissé libre. Si crier et grimper était la plupart du temps totalement interdits, le reste ne pouvait se dérouler que dans des moments rares et extrêmement précis, sous la conduite et la surveillance d’un adulte et surtout à son initiative. Qu’est-ce donc que tu aimais tant dans cet environnement?
Si le cadre scolaire ne te laissait à peu près aucun choix, très peu de liberté et seulement d’infimes initiatives, alors le sens commun interroge légitimement sur ce qui te rendait si heureux dans ces conditions? À moins, et c’est seulement une hypothèse, que ce soit précisément la privation de liberté, le fait de ne pas avoir à prendre d’initiatives, de suivre un programme préétablis qui t’aient sécurisé et globalement satisfait. À voir le nombre d’adultes qui suivent, même dans les bouchons, les autoroutes de la réussite sociale, peut-être que mon hypothèse n’est pas si farfelue après tout?
Je pense avoir toujours eu en tête un autre récit de la liberté, une autre exigence de temps et d’espace. Les contraintes d’enfermement et de programme n’ont jamais produit chez moi un sentiment de sécurité, seulement un effet panique, une envie de claquer les portes. Alors toi qui était heureux à l’école, je suis content que nos routes se croisent aujourd’hui afin que nous puissions échanger nos récits du monde, et que je puisse partager avec toi les horizons, les parfums et les chansons d’une autre mythologie.
Nous revenons du parc Frontenac, et nous avons eu la chance d’une nuit sans lune et sans nuages. Un spectacle stellaire exceptionnel. C’est bon de retrouver nos miettes de sauvage, le luxe d’un peu de précarité accessible, le confort du feu et l’horizon… Voilà ce que cette courte parenthèse nous a offert.
Paysage de crique, piraterie de proximité et le havre est là. Le sable doux accueille, le soleil caresse et l’eau partout autour de notre île nous permet de nous imaginer perdus, ailleurs, au bout du monde et loin des querelles du monde.