En cette semaine de prérentrée scolaire, je m’interroge sur un phénomène que je rencontre fréquemment dans mes conférences. Il y a toujours quelqu’un pour me signaler que lui, aimait l’école, qu’il l’a très bien vécue et qu’il y était heureux.
Je m’interroge alors. Puisque de toute évidence et je reprends ici une liste que j’ai maintes fois énumérée, puisque de toute évidence donc tu n’avais pas choisi d’aller à l’école, ni ton école, ni le calendrier scolaire, ni les horaires, ni ta place, ni ta classe, ton programme, ton professeur, tes condisciples, le programme, le système d’évaluation… Qu’est-ce donc qui te rendait si heureux dans aussi peu de choix?
De plus, parmi les principaux intérêts spontanés des enfants, ces moments qui les rendent joyeux, vibrants, créatifs tels que jouer, courir, grimper, cuisiner, crier, chanter, danser, dessiner, se déguiser, construire… pour ne citer que ceux-là, aucun ne t’était laissé libre. Si crier et grimper était la plupart du temps totalement interdits, le reste ne pouvait se dérouler que dans des moments rares et extrêmement précis, sous la conduite et la surveillance d’un adulte et surtout à son initiative. Qu’est-ce donc que tu aimais tant dans cet environnement?
Si le cadre scolaire ne te laissait à peu près aucun choix, très peu de liberté et seulement d’infimes initiatives, alors le sens commun interroge légitimement sur ce qui te rendait si heureux dans ces conditions? À moins, et c’est seulement une hypothèse, que ce soit précisément la privation de liberté, le fait de ne pas avoir à prendre d’initiatives, de suivre un programme préétablis qui t’aient sécurisé et globalement satisfait. À voir le nombre d’adultes qui suivent, même dans les bouchons, les autoroutes de la réussite sociale, peut-être que mon hypothèse n’est pas si farfelue après tout?
Je pense avoir toujours eu en tête un autre récit de la liberté, une autre exigence de temps et d’espace. Les contraintes d’enfermement et de programme n’ont jamais produit chez moi un sentiment de sécurité, seulement un effet panique, une envie de claquer les portes. Alors toi qui était heureux à l’école, je suis content que nos routes se croisent aujourd’hui afin que nous puissions échanger nos récits du monde, et que je puisse partager avec toi les horizons, les parfums et les chansons d’une autre mythologie.
Bonjour Thierry. Je crois, et bien sûr je peux me tromper, que quand les gens affirment qu’ils aimaient l’école, ils nous partagent qu’il y réussissaient bien. Et quand on réussit, quand on répond aux attentes des adultes qui travaillent dans le système, ils nous envoient un image positive de nous-mêmes. Et c’est ce que les enfants, ou ceux devenus adultes aiment. Parce que derrière ça il y a la peur de ne pas être aimé ou de ne pas être à la hauteur. Il y a aussi des opportunités à l’école, de la nourriture intellectuelle et l’accès à certaines activités auxquelles on aurait peut être pas accès à l’école. Personnellement, même si j’etais une première de classe, j’ai compris, des années plus tard, que j’avais été programmée à plaire, à répondre aux attentes des autres et que je me connaissais peu, que j’ignorais une grande partie de mon univers intérieur. J’entame la 3e année d’école à la maison avec mes enfants et je me rends compte qu’il y a des tabous de part et d’autre, que ce soit en milieu scolaire ou à la maison. Que moi-même j’entretiens plusieurs jugements face à l’école. Mais que je continue de rencontrer des défis dans l’accompagnement de mes enfants
Et que je ne suis pas la seule. Mais notre besoin d’être reconnues comme familles ayant choisi un parcours marginal, nous avons un tel besoin de reconnaissance que nous polarisons, voir diabolisons l’expérience scolaire. Et cela ne veut pas dire que je ne vois pas les failles du système. Au plaisir d’échanger avec toi. Sarah