L’école est une église (2/5)

Déconstruire le mythe (2/5)

Pour commencer cette deuxième partie, procédons pas à pas afin de nous accorder sur quelques observations factuelles que quiconque pourra aisément faire par lui-même.

En premier lieu, convenons que l’école est un espace clos. Portes, grillages, sonnettes et codes filtrent entrées et sorties. Un enfant ne peut sortir de l’école quand il le souhaite. Si pour une raison ou une autre il cherche à quitter l’école au beau milieu de la journée sans autorisation, on parlera de fugue, d’absence injustifiée, si toutefois il parvient à sortir bien que la plupart du temps tout un arsenal rende l’entreprise impossible. L’école est donc un espace clos que l’on ne peut quitter à volonté. Si les cinémas, les cabinets de dentiste, les salles de sport sont également des espaces clos, chacun peut en prendre congé dès qu’il le souhaite et nul besoin d’autorisation. Seule une personne reconnue coupable de quelque méfait est légalement privée de liberté. L’école est donc le seul espace clos, retenant des personnes contre leur grès n’ayant été reconnues coupables d’aucun crime ni victime d’aliénation.

Comment prétendre alors que la réclusion forcée avec obligation de travail serait une situation favorisant la libération et ses corollaires d’autonomie et de responsabilisation? Sinon en étant aveuglé par une croyance.

Mais allons plus loin. On pourrait penser que cette situation malgré son caractère contraignant est un mal nécessaire, promettant un accès à la liberté. Les enfants contrôlés à l’intérieur se prépareraient pour une vie de liberté à l’extérieur. Enfermer l’enfant pour son bien, l’éduquer malgré lui reste donc la norme sociétale admise. J’ai dit plus haut que mon propos ne portait pas sur les méthodes de l’école ni l’activité de son personnel. Je ne parlerai donc pas de pédagogie, de schémas d’apprentissage, d’approches et de stratégies éducatives qui pourtant mériteraient d’être savamment commentés. Je me borne à me demander si l’école respecte l’enfant dans ses besoins physiologiques primaires. Car enfin, puisque l’enfant est contraint à l’enfermement, on pourrait s’attendre à ce que cet espace de confinement respecte, pour le moins, ses besoins physiologiques. Là encore, une investigation lucide permettra de constater que les horaires ne respectent pas les rythmes chrono-biologiques d’un enfant. Ni en ce qui concerne le sommeil, les temps de repos dans la journée, l’activité cérébrale, les moments de faim, le rythme des saisons, des menstruations… bref, c’est un fonctionnement collectif impropre à tenir compte des rythmes de chacun, enfant comme adulte. Deuxièmement, on sait aujourd’hui que le contact avec la nature est un besoin fondamental pour l’équilibre de l’individu et que le trouble de déficit nature est un problème chez bien des citadins. Ce besoin primaire de contact avec la nature est lui aussi largement bafoué par le dispositif scolaire avec ses cours bétonnées, ses injonctions d’hygiène et de sécurité. Mais allons plus loin. Le besoin de mouvement, l’aspiration légitime d’un enfant à courir, grimper ou sauter sont des moyens pour lui d’éprouver son corps, tester ses limites, trouver ses équilibres. Une étude australienne récente montre que la capacité de récupération des enfants de 8 à 12 ans est supérieure à celle d’un athlète de haut niveau. Son corps est fait pour le mouvement et l’expérience, non pour l’assignation à une chaise en classe. On sait enfin que le jeu libre est le moyen le plus efficace d’apprendre. Inscrit dans les gênes des mammifères, le jeu organisé, modifié, arrêté par les enfants eux-mêmes est présent dans toute l’histoire humaine comme la façon la plus éprouvée de l’apprentissage et nombre d’études le démontrent aujourd’hui.

En somme, comme si l’enfermement contraint ne suffisait pas, l’école ne respecte ni les rythmes chrono-biologiques, ni les besoins de contact avec la nature, ni ceux de l’activité physique, ni ceux de l’apprentissage par le jeu librement consenti et organisé par les enfants. Penser qu’un tel dispositif contraire aux intuitions des grands pédagogues de tous temps comme aux résultats des recherches les plus récentes serait favorable au développement harmonieux ne relève-t-il pas à proprement parler d’irrationalité?

Une réponse sur “L’école est une église (2/5)”

  1. Oui Thierry,
    je suis bien d’accord avec ces constats.
    juste une petite nuance: si l’école est un espace clos, cela pourrait s’admettre à la limite pour l’aspect de la sécurité surtout dans une ville. Qu’il y ait cette limite pour entrer/sortir de l’enceinte de l’école on pourrait l’admettre et en discuter.
    Mais c’est la classe qui est un espace clos, et l’enfant est doublement enfermé dans sa classe, son niveau (CPx, CMx en France), un espace confiné et retiré du temps et surtout de la nature pour la majorité des petits citadins. Comment apprendre avec cet enfermement ce qu’est la liberté et ses principes de Démocratie.
    Vaste débat,
    Thierry

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