Entrer en piraterie éducative. Un article dans la revue S!lence du mois de mai

J’ai été invité à présenter la piraterie éducative dans cette revue alternative et écologiste. Je vous invite à découvrir cet article et à soutenir la revue. Je suis content que l’aile gauche de l’échiquier politique, longtemps focalisée sur la défense de l’institution, fasse un  pas de côté et s’intéresse aux alternatives en éducation sans les considérer comme concurrentes aux services publics. Nous avons besoins de ces précieux alliés habitués à l’inventivité sociale, ensemble nous cheminerons mieux.

L’histoire ne finit pas là

Merci à toutes et à tous pour vos bons mots, vos compréhensions, vos colères et indignations. Toutes ces énergies sont des aides précieuses. Mes convictions ne sont en rien entamées, je ne regrette pas une minute de mon temps passé avec mes enfants en liberté. L’épreuve que la vie nous impose m’oblige à leur faire confiance une nouvelle fois, mais dans un milieu que je ne crois pas favorable à leur épanouissement. Bien sûr je serai là pour les accompagner, bien sûr je vais les épauler mais je reste convaincu que le système scolaire n’a jamais été pensé pour rendre les enfants heureux. J’ai dénoncé souvent et par plusieurs moyens les manquements du système. Lylhèm et Eÿkèm restent des esprits libres, ceux qui les connaissent savent leur goût de la liberté, leur distance critique, leur indomptable capacité à créer du jeu et de l’enthousiasme dans les situations les plus improbables. Alors tout l’amour que je peux avoir pour eux, je le place dans la confiance. Ils savent qu’ils restent libres de leurs corps et de leurs esprits, ils n’ont pas encore eu à expérimenter le pouvoir de cette liberté, l’occasion ne tardera pas à se présenter. Ce sont des enfants de la piraterie, des fils de la tempête!

Réclusion scolaire!

Mes enfants ont 8 et 11 ans. Ils ne sont jamais allés à l’école. Ils parcourent la vie au grès de leurs intérêts et de leurs besoins. Le plus vieux lit énormément, il est passionné de BD et, de salons du livre en festival de BD en passant par l’animation de chroniques de radio sur le sujet, il possède une véritable expertise. Il écrit plus difficilement. Le plus jeune est un bon dessinateur, il écrit un peu mais lit difficilement. Et oui quand on laisse son enfant suivre son chemin, les logiques acquises peuvent s’inverser. Ils ont voyagé à travers le monde, en mule, en dromadaire, en voilier, en camping-car dans plusieurs pays, visités plus de trente sites classés au patrimoine de l’humanité de l’Unesco. Ils se lèvent et apprennent à leur rythme, ils ont participé à des festivals de voyageurs, inventé des jeux de société, organisé des évènements… Ils jouent aux échecs, au go, font deux heures de sport par jour… Mais plus qu’un long parcours pour leur âge, ils sont avant tout heureux.

Nous sommes des parents séparés depuis trois ans, et leur mère a multiplié les démarches juridiques pour que les enfants aillent à l’école contre leur volonté. Un premier jugement avait validé la poursuite d’une éducation sans école, une enquête psycho-sociale ordonnée par le tribunal, longue de plusieurs mois auprès des parents, des enfants, des intervenants qui côtoient les garçons depuis plusieurs années avait recommandé la poursuite d’une éducation sans école. Dernièrement une juge, au mépris de tous ces arguments et surtout de la volonté des enfants a ordonné qu’ils aillent à l’école en septembre prochain!

Son jugement est basé sur une sélection partiale des faits. Je dirai que nous n’avons pas été jugés, mais préjugés! Le jugement s’appuie sur de supposés retards académiques des enfants alors que les garçons n’ont fait l’objet d’aucune évaluation formelle. Et même, depuis quand exige-t-on une obligation de résultat en éducation? Cette obligation s’applique-t-elle également aux écoles? Le jugement s’appuie aussi sur ma réticence à inscrire dès le début les enfants à la commission scolaire ou à leur faire passer un examen standardisé alors même qu’aucune loi ne l’exigeait, en somme de ne pas avoir respecté des lois qui n’existent pas. La juge écrit que si les enfants allaient à l’école cela me permettrait de trouver un emploi, comme si c’était mon mode de vie qu’il s’agissait de juger.

Les enfants continuent à dire qu’ils ne souhaitent pas aller à l’école. Quel individu peut être condamné à ce que la loi n’exige pas? Qui peut être enfermé contre son gré s’il n’a pas été reconnu coupable de quelque crime? Je m’interroge sur ce qu’il convient d’appeler la domination adulte. Combien de temps encore la société considèrera les enfants comme inaptes à savoir ce qui est bon pour eux? Est-ce si transgressif que cela de demander à des enfants ce qu’ils souhaitent pour être heureux? Certains adultes présument que l’école les rendra heureux plus tard. Mais qui connait l’avenir, qui peut dire dans quel monde ces enfants vivront en 2030, 2050…? Quels adultes des années 70 avaient vu arriver la révolution informatique qui domine le monde aujourd’hui et qui a généré des centaines de milliers d’emploi à la fin des années 80?

Cette juge a donc décidé d’enfermer aujourd’hui les enfants contre leur gré avec la vague promesse d’un avenir radieux. Sacré pari! Le taux de décrochage des garçons est extrêmement élevé chez les garçons au Québec. Le système scolaire a produit une population de 53% d’illettrés fonctionnels (2016) en augmentation de 10% sur les chiffres de 2003. Les enseignants se plaignent du manque de moyens, des établissements ferment pour insalubrité… Mais la foi scolaire demeure intacte! L’école doit être pour tous à défaut d’être pour chacun.

L’inventivité éducative, la créativité pour se confectionner un monde à la mesure de ses moyens, de ses talents, de sa vision du monde n’a que peu de poids. Les enfants doivent comprendre, et le plus tôt possible, que dans la vie on n’a pas le choix, on est heureux seulement si on fait des études, si on a un travail salarié, si on consomme, si on se stresse dans le fourmillement de la vie urbaine…

Je conçois qu’un tribunal n’est pas le meilleur endroit pour parler d’inventivité socio-éducative, de bonheur, de respect des rythmes, d’intérêts des enfants. Un tribunal doit s’assurer que la société file droit, sans qu’une tête dépasse du rang. Je conçois que pour devenir juge il faut avoir été une excellente élève, bien conforme à toutes les exigences scolaires. Je conçois qu’on ne peut pas donner ce que l’on n’a pas. Comment octroyer à d’autres la liberté que l’on ne nous a pas donné enfant, que l’on ne s’accorde pas en tant qu’adulte, que l’on n’accorde pas à ses propres enfants… cette liberté qu’une juge ne semble pas s’autoriser, comment pourrait-elle l’offrir à mes enfants?

Comment pouvez-vous dicter à un enfant son envie de participer au monde, comment pouvez-vous le libérer en lui imposant l’enfermement, comment favoriser autonomie et responsabilisation en imposant la rigidité du temps et de l’espace ? Toutes vos réponses compliquées  à ces simples questions me paraissent étranges. Et aussi, si vous voulez vivre dans une société basée sur le consentement, comment allez-vous y parvenir en ordonnant la réclusion forcée dans un établissement scolaire ?

Voilà donc mon histoire, voilà ce pour quoi je me bats, ce pour quoi je trouve utile que l’on sache qu’aujourd’hui encore les enfants, comme en leur temps les femmes, les noirs, les autochtones, ne sont pas considérés comme s’appartenant à eux-mêmes. Il est temps que les temps changent, que les adultes apprennent à écouter les enfants. Est-ce trop demander?

Quand des partis politiques s’insurgent contre la liberté éducative!

Beaucoup de réactions politiques aux vues des règlements encadrant l’instruction en famille! La liberté des enfants et des parents posent problème. Il serait intéressant de chercher à comprendre pourquoi certains sont gênés par la liberté. Je repense à cette affiche dans la succursale de la SAAQ de Rivière-du-loup qui disait: « Les enfants de moins de 12 ans doivent être sous la surveillance constante d’un adulte ». Voilà ce qui tient lieu de philosophie institutionnelle pour certaines de nos personnes politiques!